|
BONJOUR OLIVIER BIDCHIREN, MERCI DE NOUS ACCORDER QUELQUES INSTANTS POUR RÉPONDRE À NOS QUESTIONS.
TOUT D’ABORD, POUVEZ-VOUS VOUS PRÉSENTER EN QUELQUES MOTS POUR NOS LECTEURS ?
Pas évident de se présenter ! A part dire que je suis auteur, je ne vois pas grand chose d’autre à ajouter. Ah ! Si. Je suis nouvelliste, critique littéraire, dramaturge, scénariste, etc. J’écris depuis une bonne vingtaine d’années et ai publié une bonne cinquantaine de nouvelles dans divers supports. A ce jour, 4 recueils de nouvelles ont été publiés, mêlant science-fi ction et fantastique. Il y a eu Images d’outre-mondes aux Editions de l’Agly, Les aventures du Chevalier Caravan aux Editions New Legend, Les sept Vallées de la Gloire aux Editions des Ecrivains, Esosphères aux Editions Sycomor. Hormis cela, je vis à la campagne avec mon épouse, Anne-Marie, et mon fi ls Virgile, âgé de 2 ans, mes chats (Ulysse et Artémis) et mon chien (Pollux). A part écrire et lire, je m’occupe également beaucoup de mes fleurs et de mes arbres : c’est mon lieu privilégié pour réfl échir et, parfois, trouver des solutions pour des histoires.
« LES MÉANDRES DE LA FOLIE » N’EST PAS VOTRE PREMIER RECUEIL. A-T-IL ÉTÉ PLUS DIFFICILE D’ÉCRIRE CELUI-CI QUE LES PRÉCÉDENTS ?
Non. Il n’a pas été plus diffi cile à écrire que les quatre précédents. Il est tout simplement différent tant par les thèmes abordés que par le style utilisé. En fait, je l’ai même trouvé plus facile à écrire et à concocter.
EN CE QUI CONCERNE L’AGENCEMENT DE CHAQUE NOUVELLE, ON CONSTATE QUE VOS TEXTES DÉBUTENT TOUJOURS PAR UNE CITATION : NIETZSHE, DICKENS, SWIFT, POUR NE NOMMER QU’EUX. SONT-CE CES MÊMES CITATIONS QUI VOUS ONT INSPIRÉES, OU FAITES-VOUS PLUTÔT LE CHEMINEMENT INVERSE, RECHERCHEZ-VOUS LES PHRASES ADÉQUATES POUR ILLUSTRER VOTRE NOUVELLE, UN PEU À LA MANIÈRE D’UNE IMAGE ÉCRITE?
La première chose que je cherche pour écrire une nouvelle c’est le titre en adéquation avec le thème que je veux aborder. Dès que je l’ai, je fouille partout pour trouver la citation la plus exacte possible qui résumera le texte. Ensuite, seulement, j’aborde l’écriture de la nouvelle. Et toutes mes nouvelles possèdent leur citation. C’est un peu comme une marque de fabrique, un logo, une signature. Généralement, ce ne sont pas les citations qui m’inspirent. Elles sont présentes pour résumer, imager, synthétiser, donner une piste, poser une réflexion, lancer une idée. En gros, elles sont le générique du film que le lecteur va lire.
QUELLES SONT VOS PRINCIPALES SOURCES D’INSPIRATION ?
Elles sont multiples. Et elles sont souvent liées au ton qui sera donné dans le recueil. Ainsi, dans Images d’outre-mondes la source d’inspiration était l’œuvre d’art (peinture, sculpture ou photographie) retransposée dans des mondes imaginaires, oniriques, surréalistes, sensitifs. Ayant effectué des études en histoire de l’art et ayant été éclairagiste de spectacles, le travail s’est porté sur les couleurs, les lumières, les formes et les matières. Le but était de créer un mythe fondateur à l’œuvre plastique. Pour les Aventures du Chevalier Caravan, là ce sont des nouvelles « parcellaires » dans le sens où le personnage central est récurrent. Ici, il s’agissait d’un travail sur l’histoire et les mythologies. Pour Les Sept Vallées de la Gloire, la source d’inspiration a été au départ de définir des valeurs par le biais d’histoires abracadabrantes et humoristiques (amour, indépendance, connaissance, etc.). La source s’est donc située sur le symbolisme et souvent à partir d’anecdotes. Pour les Méandres de la Folie, les sources sont également multiples, parfois à partir d’événements surnaturels qui me sont arrivés, d’observations faites dans la nature, après des lectures, après des rencontres. Souvent, une histoire née également suite au croisement de plusieurs facteurs. Pour Ligne blanche, il y a eu durant la période d’écriture du texte : un retour en voiture sur une route de campagne par une nuit sombre, ma femme qui écrivait son mémoire de maîtrise sur la toxicomanie et un abruti (voisin à l’occasion) qui s’occupait davantage de sa 406 Peugeot fl ambant neuve que de sa femme.
LE TRAVAIL D’ÉCRITURE NE FAIT AUCUN DOUTE, MAIS À TRAVERS LES MOTS ON L’OUBLIE TOTALEMENT POUR SE LAISSER SUBMERGER DANS VOTRE UNIVERS. NE VOUS A-T-ON JAMAIS REPROCHÉ VOTRE STYLE POÉTIQUE OU, EST-CE QU’AU CONTRAIRE VOUS A-T-IL OUVERT LES PORTES ?
En effet, mon écriture est très travaillée. Je ne laisse pas de répit à la phrase ; je la tourneboule dans tous les sens jusqu’à ce que je la trouve parfaite, jusqu’à ce qu’elle me donne une image précise, poétique, et que le texte final donne un bijou, une œuvre d’art, une pièce d’orfèvrerie. Et, en effet, on m’a souvent reproché mon style poétique, trop précieux pour certains, trop riche d’informations pour d’autres. Ça m’a plutôt fermé des portes que cela m’en a ouvert. Si cela avait été le cas alors je serai dans des grandes maisons, et je n’aurais pas eu besoin de changer d’éditeur à chaque ouvrage. Ce qui me console c’est que même comme cela Images d’outre-mondes à connu deux éditions et a reçu un prix littéraire faisant généralement la part belle aux romans de littérature générale, les Aventures du Chevalier Caravan est épuisé et Les Sept Vallées de la Gloire est étudié dans plusieurs établissements scolaires. Mais je ne désespère pas ; la roue tourne. Un jour, j’espère, j’aurais mon éditeur fétiche. Mais oui, mon écriture est, particulière, un peu hors norme, en dehors des sentiers battus, est totalement reconnaissable : « son style est autant une grande force qu’une arme à double-tranchant » avait reconnu Gilles Dumay lors de mon interview qu’il avait fait paraître dans Dragon & Microchips nº 9 de juin 1995, alors que je dirigeais Mouvement Khronos Editions et la revue atypique Micronos.
VOUS CITEZ RIMBAUD. UN DES MEILLEURS POÈTES POUR VOUS ?
L’un des meilleurs, oui. Mais pas le meilleur. Il y en a plein d’autres : Antonin Artaud, Lautréamont, Guillaume Apollinaire, etc. Les surréalistes en général. Les poètes électriques et la Beat Generation (Burroughs, Warhol, etc.) me fascinent. Et il y a surtout Charles Duits, de la science- fiction poétique ; le summum de l’art littéraire. C’est remarquable. La poésie est partout, il suffi t de la chercher, de l’insuffler et la vie vous paraîtra bien mieux que ce qu’elle n’est en général.
LA RELIGION EST TRÈS PRÉSENTE DANS VOTRE OUVRAGE. D’AILLEURS VOUS N’HÉSITEZ PAS À CITER JÉSUS CHRIST EN PRÉMISSE DE LA NOUVELLE « L’APPEL DE LA CHAIR ». VOUS SEMBLEZ TENIR À LA DUALITÉ DIEU/DIABLE.
Elle est autant présente dans Les Méandres de la Folie que dans les autres recueils. Je m’intéresse énormément aux religions, aux croyances, à la spiritualité. Ce sont des thèmes récurrents chez moi. Il y a une quête. Et cette dualité Dieu/Diable est en effet un concept auquel je tiens beaucoup. L’un ne peut aller sans l’autre. Tout comme dans la nouvelle Destins croisés, la dualité est omniprésente : tout se croise, s’entrecroise, s’unifi e, pour tendre soit vers le Bien, soit vers le Mal. Nous avons tous notre part d’ombre et notre part de lumière. Seulement, ce qu’il ne faut pas c’est rompre l’équilibre. Nul n’est entièrement bon et nul n’est entièrement mauvais, sauf quelques exceptions. C’est ce que je signifi e dans l’Appel de la Chair : mon héros est amoureux de femmes qu’il ne peut plus approcher alors que la science le maintient en vie. C’est beau et monstrueux en même temps. La haine n’est-elle pas le côté obscur de l’amour ?
POUR CONTINUER DANS LES CROYANCES, LA RÉINCARNATION SEMBLE VOUS FASCINER ?
Exact. Je suis sûr que la réincarnation existe. La réincarnation permet de savoir d’où nous venons, de comprendre le pourquoi et comment se diriger dans la vie pour tendre vers une autre réincarnation. Elle a de cela de fascinant qu’elle peut être un coup de pied dans le derrière qui pousse à assumer cette vie-ci pleinement, de corriger les erreurs passées, de terminer ce que l’on n’a pas achevé dans une vie précédente. Ce n’est pas non plus parce que la réincarnation est qu’il faut attendre les bras croisés la prochaine vie. Ce serait une grave erreur : vivre est un cadeau, une chance inouïe qu’il ne faut pas gâcher, et nous nous devons de vivre pleinement. Car nous ne devons pas faire ce que fait mon héros dans Ligne blanche : lui, il loupe sa réincarnation.
VOS NOUVELLES METTENT EN GARDE CONTRE LES DÉRIVES DES NOUVELLES TECHNOLOGIES ET DES PROGRÈS SCIENTIFIQUES. ETES VOUS EFFRAYÉ PAR LES AVANCÉES ACTUELLES, PAR EXEMPLE EN MATIÈRE DE CLONAGE THÉRAPEUTIQUE, THÉRAPIE GÉNIQUE ?
Effrayé ? Non. Inquiet ! Ça oui. Les nouvelles technologies, et la science en général, peuvent conduire à des abus, à des extrêmes. Et il est bon de réfléchir aux conséquences qu’elles peuvent avoir si l’on n’y prend pas garde. Bien sûr que la thérapie génique et le clonage thérapeutique sont intéressants et peuvent apporter des solutions, mais, l’espèce humaine a toujours abusé de ses connaissances et de ses savoirs. Qui, aujourd’hui, peut me dire que le monde dans lequel nous vivons est beau, bon, et qu’il ne met pas en péril la planète tout entière ? Dans la nouvelle, une Naissance particulière, c’est autant une mise en garde envers la science mais, en même temps, si mon héroïne avait survécu, un Messie de plus ne nous aurait pas fait défaut.
LA NUIT EST UN DÉCOR OMNIPRÉSENT. EST-CE LA SENSIBILITÉ DU POÈTE QUI PRÉVAUT OU LES CRAINTES ENFANTINES QUI RESSORTENT ?
Peut-être les deux ! Quand on vit à la campagne depuis sa plus tendre enfance et que vous êtes confronté aux mystères de la nature, alors la nuit a quelque chose de magique. On a l’impression d’être plus proche des choses et en même temps plus petit. Oui, la nuit il se passe plein de choses ; elle est riche en enseignements et en événements que vous ne pouvez voir durant le jour. Toutefois, j’observe la nuit parce que la plupart des gens en ont peur car, là, ils sentent qu’ils sont peu de chose comparé à l’immensité nocturne qu’ils ne peuvent ni voir ni ressentir. La plupart des initiations et des révélations ont lieu la nuit, dans des lieux reculés du monde diurne, dans des grottes, etc. Que ce soit dans la nouvelle les Réverbères ou la Nuit, tout est gris, ou Lucie ou comment retrouver le Tartare, il s’agit toujours d’une initiation, d’une révélation, d’une modifi cation de la perception Toutefois, dans la Première tentation du sang, c’est l’inverse : il fait grand jour pour l’initiation de l’enfant au vampirisme. Pourquoi ? Parce que c’est l’aube, tout simplement, d’une nouvelle civilisation. C’est symbolique, comme l’est le vin de messe qui symbolise le sang du Christ, qui est également une marque vampirique.
MALGRÉ LES SOMBRES DESTINS DE VOS HÉROS, JE TROUVE LE LIVRE PLUTÔT OPTIMISTE, NOTAMMENT GRÂCE À LA NOTION PERSISTANTE D’UNE DEUXIÈME CHANCE.
Le moins que l’on puisse dire c’est que mes héros ont des destins tragiques ! Mais je suis d’un tempérament optimiste. Alors je laisse toujours une seconde chance. Je pense même que nous devrions tous avoir une seconde chance ; c’est aussi en cela que la réincarnation est intéressante. Qui n’a pas commis d’erreur durant son existence, qui ne voudrait pas réparer, qui ne voudrait qu’on lui offre une seconde chance ? On efface et on recommence. Par contre, si on se plante encore : stop, fi ni. C’est le cas d’ailleurs de mon héros dans Ligne blanche : il s’est planté misérablement en se rendant au paradis, donc sa seconde mort sera encore plus tragique que la première. A l’inverse, dans les Réverbères, mon héros comprend d’emblée le message qui lui est offert ; il changera donc de vie, même si on ne le dit pas dans l’histoire.
POUR EN REVENIR À DES QUESTIONS RÉCURRENTES DANS NOS INTERVIEWS, AVEZ-VOUS DÉJÀ ÉTÉ TÉMOINS DE PHÉNOMÈNES PARANORMAUX ?
Oui. Très souvent et régulièrement. Dès fois, j’ai même l’impression de baigner dedans. D’ailleurs, ça se retrouve dans beaucoup de mes textes, que ce soit dans les Méandres de la Folie ou dans les autres ouvrages. La nouvelle Les Réverbères est le récit à 99 % d’une histoire vraie, vécue personnellement. L’Appel de la chair ou le Ballet des astres s’inscrivent complètement dans le domaine paranormal.
SI VOUS AVIEZ UN RÊVE EN CE QUI CONCERNE LE PARANORMAL, CE SERAIT PLUTÔT DE RENCONTRER DES EXTRATERRESTRES, D’ÊTRE INVISIBLE, D’ÊTRE UN GRAND TÉLÉPATHE, … ?
Rein de tout cela ne me branche vraiment ! Vous savez quand on a une capacité physique ou extrasensorielle développée, c’est très dur de vivre avec, c’est un poids considérable à porter sur ses épaules et une très lourde responsabilité vis-à-vis des autres. Mais bon, si je dois répondre quelque chose, je dirais l’ubiquité, et surtout ne pas avoir les talents de mon héros de Mémoire d’un amnésique.
AVEZ-VOUS DES DONS PARTICULIERS ?
Ah ! Ah ! Lisez ou relisez les nouvelles, vous les trouverez peut-être, s’il y en a !
QUELS SONT VOS PROJETS ?
Ça, ce n’est pas ce qui manque ! Je suppose que vous me demandez en rapport avec l’écriture ? La publication d’une trilogie en space opera, très initiatique, très magique et très spirituelle également. Oh ! Ça fait beaucoup de choses là-dedans. Cette trilogie s’appelle Les Voies du Temps. La publication également de deux autres recueils de nouvelles que je viens de terminer (Le coup des Miracles et Univers sous infl uences) et un recueil de contes (Une couleur dans l’œil). Je souhaiterais aussi la réédition des Aventures du Chevalier Caravan qui est épuisé et que l’on me demande souvent. Et l’écriture d’un recueil de nouvelles fantastiques autour des fleurs (Le cri de l’orchidée). Hormis cela, pour 2005, beaucoup de déplacements en salons (Gérardmer, La Couture, etc.), beaucoup de livres à lire pour effectuer des chroniques littéraires, des interventions en collèges et lycées pour mes recueils qui y sont étudiés.
MERCI OLIVIER BIDCHIREN POUR VOS RÉPONSES. NOUS VOUS SOUHAITONS BONNE CHANCE DANS VOS ENTREPRISES. L’ÉQUIPE ATTEND AVEC IMPATIENCE VOS NOUVEAUX LIVRES.
|